Quand une personne est hospitalisée en Belgique, elle peut compter non seulement sur les soins médicaux, mais aussi sur les « services hôteliers » de l’hôpital. Le patient reçoit un repas dans sa chambre trois fois par jour, il est lavé si nécessaire par le personnel soignant, qui prend en charge ses blessures ou ses pansements, l’entretien de la chambre est assuré par une équipe spécialisée, …
Bref, nos hôpitaux offrent un service complet à leurs patients. Les membres de la famille et les amis peuvent rendre visite pendant les heures de visite strictement réglementées. En tant qu’Européens, nous considérons cela comme une évidence.
Rien n’est moins vrai au Bénin et dans de nombreux pays africains où des garde-malades s’occupent du patient. Nous avons une conversation à ce sujet avec Antoinette, collaboratrice de la Fondation au Bénin.
Qu’est-ce qu’un garde-malade ? Quel est son rôle ?
Un garde malade est une personne physique, membre de la famille du malade qui lui tient compagnie durant tout son séjour d’hospitalisation. Comme de coutume en Afrique, la population accorde beaucoup d’importance à la famille surtout quand il y’ a un évènement qui touche celle-ci (maladie, décès, mariage, baptême, …). Le garde malade est la personne qui au nom de l’amour familial, de l’amour filial ou de l’amitié reste au chevet du malade hospitalisé jusqu’à sa guérison. Il assure au malade les besoins quotidiens de nourriture, il lui donne des médicaments selon les heures prescrites, il assure la surveillance et l’hygiène du patient, il entretient la literie, prête assistance pour les soins, il est son support mental, son intermédiaire auprès du personnel médical et de l’administration de l’hôpital, et bien d’autres tâches encore. S’il est évident que tout ceci contribue à la guérison psychologique du malade, cela alourdit les dépenses familiales
Est-ce une pratique courante dans tous les hôpitaux ? Hôpitaux privés et publics ?
Oui, ceci s’applique quel que soit le lieu d’hospitalisation du malade (hôpitaux privés, publics ou les centres de thérapie traditionnelle.
Une répartition des tâches est-t-elle convenue entre le personnel médical et/ou infirmier et le garde-malade ?
Il y a plus ou moins une répartition des taches car l’administration des comprimés aux heures de prise, la garde des produits de traitement et le suivi du malade sont confiés au garde-malade. Ceci se justifie d’une part par l’effectif des agents de santé qui est souvent très inférieur au nombre de malades et d’autre part par le garde-malade qui veut se sentir utile dans le traitement de son patient. Nous avons aussi des cas de maladies que les agents de santé chez nous ne suivent pas avec l’amour qu’il faut (les incontinences surtout) et les cas de diabète avec amputation de pieds.
Comment s’assurer que le garde-malade applique correctement les règles de soins et d’hygiène ?
A ce niveau, c’est souvent difficile car la majorité des gardes-malades ne maîtrisent pas les notions d’hygiène hospitalière, mais des séances de sensibilisation leur sont données pendant cette période, ce qui facilite un peu la tâche.
Le garde-malade est-il également impliqué dans la thérapie ?
A ce niveau, c’est souvent difficile car la majorité des garde-malades ne maîtrisent pas les notions d’hygiène hospitalière, mais des séances de sensibilisation leur sont données pendant cette période, ce qui facilite un peu la tâche.
Le système de garde-malade ne rend-il pas parfois les choses plus difficiles pour le personnel hospitalier ? (Bruit, manque d’espace, interférences, hygiène, …)
C’est un fait très évident que subissent tous les centres de santé, mais chaque centre essaie de faire avec car pour le moment l’Afrique en général et le Bénin en particulier ne peuvent pas se passer du service des garde-malades à cause du niveau de vie et de l’effectif des agents qui est toujours faible dans ces centres.
Le système de garde-malades a-t-il un impact sur l’organisation de l’hôpital ?
Bien évidemment, car l’espace de circulation des agents est occupée et ceci ne facilite pas la tâche aux agents. Aussi le système de garde malade ne facilite pas la gestion des heures de repos du malade.
Les garde-malades sont généralement des parents proches : mari, femme, frère, sœur,… S’agit-il aussi de parents ou d’amis éloignés ?
Non, ce sont toujours des gens très proches par mesure de sécurité et de confiance.
Que faire si un membre de la famille ou un ami n’est pas immédiatement disponible ?
C’est très rare de tomber dans ce cas, car accompagner un malade est un geste prompt de manifestation d’amour. Dès que le besoin se fait sentir, plusieurs personnes se manifestent pour assumer cette responsabilité. C’est une marque d’amour.
Comme il n’y a pas beaucoup d’hôpitaux dans chaque région, les garde-malades doivent parfois venir de loin, je suppose ?
Il y en a qui viennent de loin et il y en a qui vivent dans le village ou la ville où se situe le centre de santé. Tout dépend de la provenance du malade.
Où les garde-malades résident-ils pendant la période où ils s’occupent de la personne malade ?
Ils dorment à l’air libre ou dans les halls ou parfois par terre à côté du lit du malade car les garde-malades ne peuvent pas être loin de leur malade
Où et comment préparent-ils la nourriture ? Où font-ils la lessive pour la personne malade ? Et pour eux-mêmes ?
Dans les centres publics il y a toujours un endroit pour faire la cuisine et la lessive, mais dans les centres privés c’est un peu difficile. Le garde-malade est obligé de chercher un coin pour le faire ou au pire des cas acheter à manger au bord de la route et envoyer par moment les tenues sales aux parents pour la lessive dans le village de provenance.
Les garde-malades sont sans revenus tant qu’ils doivent s’occuper de la personne malade, car ils ne peuvent pas travailler. Comment résoudre ce problème ?
Cet aspect négatif de la chose constitue un souci pour la majorité de ceux qui le vivent sans qu’une solution ait été trouvée à ce jour. Néanmoins, il y a possibilité d’alternance pour les garde-malades qui peuvent se faire relayer par un autre pour amoindrir les incidences financières sur ces personnes. Tout compte fait ce service a toujours un impact négatif sur la situation de ceux qui le rendent.
Qu’arrive-t-il aux patients atteints de maladies chroniques ou de longue durée ? Leurs gardes-malades peuvent difficilement rester sur place pendant plusieurs mois, voire plusieurs années ? Utilisent-ils parfois un système de tour de rôle?
Oui. C’est même très fréquent quelle que soit la durée car cela permet au garde-malade de retourner de temps à autre dans son foyer et de vaquer quelque temps à ses activités normales.
Les garde-malades ne constituent-ils pas aussi un risque potentiel de propagation des maladies infectieuses ou de virus?
C’est possible, car la gestion des garde-malades n’est pas facile et l’Afrique est tellement liée à ses coutumes. Il arrive en effet que le garde-malade tombe lui aussi malade, mais aucune solution n’est trouvée pour cette situation.
La Fondation a déjà beaucoup investi dans l’amélioration des conditions de vie et de travail des garde-malades. En partie grâce à un don de la province de Flandre occidentale en 2017, elle a pu construire des lieux de cuisine, de lavage et de couchage pour les gardes-malades.